La Fournaise

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LE PITON DES NEIGES

 

LE  PITON  DES  NEIGES

 

La Maison des Anciens Combattants à Cilaos.

Je m’étais promis, sans vraiment y croire, de faire l’ascension du Piton des Neiges, avant d’escalader le Ciel. A la veille de mes soixante quinze ans, il était plus que temps de me lancer dans l’aventure et, c’est grâce à la « complicité » de ma sœur Marie-Thérèse, de mon frère Jean et de nos amis Marie-Lys, Jocelyne et Nicol, que j’ai pu tenir ma promesse.

Pendant les vacances scolaires, il faut se prendre longtemps à l’avance, pour bénéficier de l’hébergement au gîte de la Caverne Dufour. Aussi, avons-nous attendu la rentrée pour programmer cette randonnée, réputée difficile. Bien qu’à cette époque de l’année, le risque d’avoir du mauvais temps est moindre, il importe de bien se couvrir, pour affronter les rigueurs de l’hiver austral.

Pour grimper sur le toit de La Réunion, plusieurs itinéraires s’offrent aux randonneurs. Nous avons choisi le plus court mais sûrement pas le plus facile. Le village de Cilaos se trouve à environ 1300 mètres d’altitude alors que le sommet du Piton des Neiges est à 3070 mètres. Le calcul du dénivelé, qui nous attend, est vite fait.

Mon ami Eloi

Je ne pouvais pas me rendre à Cilaos, sans saluer mon ami Eloi qui a longtemps travaillé avec moi et coule, aujourd’hui, une retraite paisible dans le Cirque. Ce mercredi 17 août, Il devait être un peu plus de neuf heures, lorsque nous sommes arrivés au village. Prévenu de notre arrivée, Eloi nous attendait depuis le début de la matinée. Sitôt après être arrivés, nous lui avons rendu visite dans sa coquette maison, située sur la route de Bras-Sec. Après que nous ayons siroté le bon café, préparé par son épouse, Eloi nous a accompagnés jusqu’à la maison des Anciens Combattants pour y garer nos voitures et déposer quelques affaires. C’est ici que, le temps d’une nuit, nous nous remettrons de nos fatigues, après une randonnée réputée difficile.

La maison des Anciens Combattants accueille, en priorité, les familles de militaires qui viennent à Cilaos pour quelques jours de vacances. Le reste du temps, elle peut aussi accueillir, sous certaines conditions, des parents ou amis, de passage dans le Cirque. Mon ami Eloi, qui préside l’association locale des Anciens Combattants, nous a offert cette opportunité, que nous nous sommes empressés de saisir.

Sans perdre de temps, nous prenons la direction du Bloc, à bord des deux voitures conduites par Eloi et par Muriel, sa fille aînée, qui termine ses vacances dans l’île. Le Bloc, c’est le point de départ du sentier qui mène au Piton des Neiges. Il se trouve sur la route de Bras-Sec, dans la forêt de Cryptomerias. Sur le parking, stationnent plusieurs voitures ce qui laisse supposer que nous ne serons pas les seuls à passer la nuit au gîte.

Avec un petit sourire qui en dit long, notre ami Eloi nous souhaite une bonne randonnée, avant de reprendre sa route. Et, tandis que nous vérifions une dernière fois nos équipements, je réalise que ma casquette est probablement restée dans l’une ou l’autre des voitures, garées au village. L’étourdi, que je suis, ne se fait pas de souci pour si peu. Il fait très beau sur le Cirque et ce serait bien le diable, s’il venait à pleuvoir avant notre arrivée au gîte.

 Un dernier coup d’œil sur les sommets et nous nous engageons sur le sentier qui mène au Piton des Neiges. Il est un peu plus de dix heures et demie, à ma montre. La distance se mesure ici en temps. Nous marchons depuis une heure. De l’endroit où nous sommes, on découvre Cilaos avec, sur la droite, l’ilet à cordes et sr la gauche, le quartier de Bras-Sec.

Vue de Cilaos, depuis le sentier.

La montée est rude et le sac commence à peser sur les épaules du « gramoune » (vieux). Nous avons prévu de faire une pause au Petit Matarum. A cet en droit, se trouve un point d’eau qui permet aux randonneurs de se ravitailler. C’est du moins ce qui est indiqué, sur les différents sites internet que j’ai parcourus avant mon départ. Petite déception, l’eau n’est pas au rendez-vous ; mais, par chance, nous avons pris nos précautions.

Sur le sentier.

L’ascension continue, de plus en plus pénible au fur et à mesure que nous nous rapprochons du gîte. La fatigue accumulée, au cours de ces derniers mois, n’est pas étrangère à nos difficultés. Certains passages exigent davantage de précautions en raison des risques de glissades. Jocelyne et moi, n’avons pas tardé à nous en rendre compte. Il faut préciser que nous sommes les seuls du groupe, à n’avoir jamais escaladé le Piton des Neiges.

Nous atteignons le gîte au bout de quatre heures de marche. Il serait plus honnête d’ajouter une demi-heure. D’autres randonneurs nous ont précédés et sont déjà attablés, devant un thé fumant. Le port des chaussures n’étant pas autorisé dans les chambres, nous avons du nous résoudre à troquer nos chaussures de marche contre des sandalettes, beaucoup plus confortables, il est vrai. Je n’avais pas été informé de cette exigence et me serais probablement retrouvé en chaussettes, si mon frère Jean n’avait pas emporté, une deuxième paire de sandalettes. Dans ce qu’on peut appeler un vestibule, chaussures et bâtons de marche sont alignés sur des étagères métalliques. Si les chaussures diffèrent en raison de leurs pointures et de leurs marques, les bâtons de marche sont plus ou moins ressemblants.

Lorsqu’on arrive au gîte, la première formalité consiste à se faire enregistrer à l’accueil. Nous nous dépêchons de donner au gardien la prise en charge, qui nous a été remise par l’Office du Tourisme, au moment de la réservation. Le document fait état du nombre de personnes et tient lieu de justificatif pour ce qui concerne le paiement. Nous en profitons pour régler les repas du soir et le petit déjeuner du lendemain. Le repas est prévu pour dix huit heures trente. Nous avons tout le temps de nous détendre ou de faire, qui un petit bout de film, qui quelques photos. Dans la salle commune, certains jouent aux cartes, tandis que d’autres discutent à voix haute. J’en profite pour échanger quelques mots avec le gardien du gîte. L’homme, d’un abord facile, ne se fait pas prier pour répondre à mes interrogations. Bien d’autres, avant moi, ont du lui poser les mêmes questions.

Nous sommes hébergés dans la chambre 16, équipée de lits superposés, comme dans toutes les chambres. Nous serons une douzaine à loger à ce numéro. Si des couvertures sont à la disposition des randonneurs, ces derniers doivent apporter leurs draps. Les marcheurs confirmés ont privilégié le sac de couchage. Pour ma part, j’ai déjà étendu sur ma couchette, le drap housse qu’Yvette a mis, la veille, au fond de mon sac à dos. La literie, il faut bien le dire, ce n’est pas mon truc.

A cette altitude, Il n’y a pas suffisamment d’eau pour qu’on puisse se doucher et nous devrons nous contenter d’une toilette de chat. Les WC, quant à eux, fonctionnent normalement tandis que l’électricité, produite, probablement, par un groupe électrogène, permet l’éclairage de toutes les pièces, avant même la tombée de la nuit. A l’extérieur, la brume qui enveloppait tout le site, à notre arrivée, a fini par se dissiper. Le ciel est clair et la température assez basse, n’a pas empêché quelques courageux de monter leur tente en contrebas.

L’heure du repas vient de sonner et nous nous apprêtons à savourer le meilleur rougail de saucisses de toute l’île. C’est encore une de ces conneries que j’ai pu lire sur un site internet. Au menu, du riz, des lentilles d’importation et, bien entendu, le fameux rougail de saucisses. Ce dernier, autant le dire, n’a de rougail que le nom. Il s’agit, tout au plus, d’un bouillon avec des morceaux de saucisses. Dans le cas présent, la fin (faim) justifie, non pas les moyens, mais l’appétit de ces randonneurs, venus d’Europe pour la plupart, curieux de découvrir cette spécialité locale. Sur les tables, il n’y a pas de vin mais, mais une bouteille de punch qui va contribuer à réchauffer l’atmosphère de la salle. Notre ami Nicol précautionneux, comme à son habitude, a sorti sa gourde remplie d’un bon vin, qu’il ne pas manque d’offrir à ses voisins de table. Des petits problèmes personnels m’ont affecté, au cours de ces dernières heures, et je n’apprécie pas, pleinement, ce moment de convivialité.

Le repas du soir au gîte.

Après le dte.îner, un jeune, originaire de la région parisienne, va faire le spectacle, avec son saxophone, jusque tard dans la soirée. Il n’en faut pas plus pour créer l’ambiance chez la soixantaine de randonneurs qui ont pris leur repas au gîte. A près de vingt et une heure, tout ce petit monde va se coucher dans le plus grand calme. Comme je n’arrivais pas à m’endormir, je suis sorti de la chambre sur la pointe des pieds et me suis retrouvé dehors, à observer le ciel. La température était, somme toute, assez agréable pour la saison. J’avais quand même pris la précaution de bien me couvrir.

Le ciel était d’un bleu profond ; Il y avait surtout ces myriades d’étoiles, plus brillantes les unes que les autres. Elles avaient l’air si proches de moi que ’ai pensé, un moment, les cueillir comme on cueille des fleurs. Il y en avait tellement que personne ne s’en serait aperçu. Inconsciemment, je me suis mis à fredonner l’Hymne à la Nuit, de Philippe Rameau, que nous avait appris notre prof de musique, il y a bien longtemps.

La nuit était déjà bien avancée, lorsque j’ai regagné le gîte. Bercé par le ronflement, à peine perceptible, de mes compagnons de chambrée, j’ai fini par m’endormir aux environs d’une heure du matin. Trois heures plus tard, j’étais réveillé par la lumière et par les chuchotements de tous ceux qui étaient prêts à en découdre avec les dernières pentes qui mènent au sommet. Pour l’atteindre avant le lever du soleil, il faut compter deux heures pour des marcheurs moyens. Dans mon sac à dos, j’avais pris un bonnet de laine que j’enfonçais sur ma tête jusqu’à ce qu’il couvre mes oreilles. Après avoir allumé ma lampe frontale, j’enfonçais mes bâtons de marche dans le sol encore couvert de givre, avant de m’élancer sur les scories.

Pas plus tard que la veille, Marie Thé et les autres m’avaient encore parlé de ces fameuses scories qui, je l’ai vite compris, n’existaient plus que dans leur imagination. C’est davantage sur un parcours caillouteux, indiqué par des traces de peinture blanche, que j’ai marché en titubant, pendant plus de deux heures. Les roches, à cet endroit, sont dures et coupantes. Plusieurs fois, j’ai failli me blesser, après m’être retrouvé sur les fesses, pestant et jurant contre ceux qui avaient eu l’impudence, à mes yeux, de parler de scories.

Le toit de LA REUNION

Lorsque je suis arrivé au sommet, le soleil se levait, offrant aux randonneurs, les plus courageux, un spectacle grandiose. Nicol et Jean, qui m’avaient précédé de peu, multipliaient les prises de vues tandis notre Parisien, la tête enturbannée, se démenait comme un beau diable avec son saxophone, au milieu d’un petit groupe de spectateurs, frigorifiés mais ravis.

Arrivée au sommet de nos trois "accompagnatrices".

Marie-Thérèse, Marie-Lys et Jocelyne arrivent à leur tour, suffisamment dans les  temps, pour profiter du spectacle. Je veux parler de celui que nous offre la nature. La température, plutôt fraîche, ne nous incite pas traîner sur les sommets. C’est notre ami Nicol qui donne, au bout d’une demi-heure, siffle la fin de la récréation. Normal, pour un enseignant. La descente, même après le lever du jour, n’est pas des plus faciles et je serais, même, tenté de parler de descente aux enfers. Ce ne sont pas Marie-Thérèse et Marie-Lys qui me contrediront…

Lever du Soleil. (Vue prise au sommet du Piton des Neiges, par Jean)

Au gîte, le petit déjeuner est servi jusqu’à dix heures. Ne vous attendez pas à des œufs brouillés, avec du jambon ou encore des fruits de saison. Pour la modique somme – pas si modique que ça – de cinq euros, vous n’aurez droit qu’à quelques tranches de brioche, accompagnées d’un minuscule carré de beurre et d’un aussi minuscule pot de confiture. Un bol de thé, ou de café, complètera le tout et… Bon appétit !

Pour ceux d’entre vous qui n’auraient pas eu la patience de me lire, depuis le début, il faut, quand même, rappeler que nous sommes à plus de 3000 mètres d’altitude, sur un site quasiment désertique, ravitaillé – si ce n’est par des corbeaux – par des hélicos et, peut-être même, à dos d’homme, comme à l’époque où les curistes se faisaient transporter jusqu’à Cilaos, en chaises à porteur. Marie-Thérèse et Nicol qui ont fait, il n’y a peu de temps, le chemin de Compostelle, conviennent, bien volontiers, que le gîte de la Caverne Dufour, n’a rien à envier à certains des nombreux gîtes qui jalonnent le chemin de Compostelle.

Après le petit déjeuner, nous entamons la descente sur Cilaos. Mon frère Jean, qui n’a pourtant pas mangé du lion, nous a faussé compagnie dans le premier quart d’heure. Il n’a pas plu depuis la veille mais le sentier est toujours glissant en certains endroits. Le parcours n’a décidément pas les faveurs de Jocelyne qui éprouve de plus en plus de difficultés pour aller de l’avant. Marie-Lys et Marie-Thérèse sont là, fort heureusement, pour l’encadrer. Sur le chemin, nous croisons d’autres randonneurs qui n’ont pas l’air de souffrir. Il est vrai que ces grands gaillards, aux solides mollets, ne sont qu’au début de leur parcours.

Après quelques péripéties, sans grande importance, nous arrivons au terme de notre randonnée. Sur le parking, mon frère Jean nous attend depuis plus de deux heures. Dans un moment, Eloi, toujours lui, viendra nous prendre pour nous ramener au village. Après une bonne douche, nos retrouvons notre ami Eloi, dans un petit restaurant de la place. Dans la salle, nous repérons des visages connus. Ce sont ceux des randonneurs qui ont passé la nuit au gîte. Après le repas, Eloi a voulu nous montrer le « Cilaos, by night » et notamment la Mare à Joncs, un plan d’eau superbement aménagé ; un spectacle, son et lumière, sans le son.

Vendredi 19 août, nous regagnons nos pénates après un grand merci à notre ami Eloi. La satisfaction se lit sur tous les visages. Cette randonné fera partie de nos plus beaux souvenirs. Le gramoune a, quant à lui, beaucoup de mal à cacher sa fierté. Cette fois encore, Yvette pourra dire : Vantard, va !

 



31/08/2011
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