La Fournaise

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ELUCUBRATIONS

ELUCUBRATIONS

Ce 2 novembre, comme tous les ans, les catholiques de France et de Navarre vont commémorer leurs défunts. La plupart d’entre eux se rendront au cimetière le premier – fête de la Toussaint – qui est un jour férié. Cette fête est l’occasion, pour la plupart d’entre nous, de visiter au moins une fois dans l’année, les êtres chers qui nous ont quittés. Les allées du cimetière, d’habitude désertes, vont se remplir de gens, les bras chargés de fleurs, venus parfois du bout de l’île. Chez nous les chrysanthèmes n’ont pas l’exclusivité et les marchands, installés sur le bord de la route qui mène au cimetière, se sont adaptés depuis longtemps déjà.

            Franchissons, sans plus attendre l’entrée du cimetière qui ouvre ses portes dès six heures du matin. Entre les grands murs blancs, de modestes tombes, entretenues avec amour, nous accueillent. Un muret de béton encadre un parterre de plantes et de fleurs au milieu desquelles, a été plantée une croix; une simple croix de bois, avec des noms derrière lesquels se cachent des visages. Les plus âgés d’entre nous se souviennent de ces visages qui ont marqué l’histoire de notre village.

Ici ou là, des caveaux fraîchement repeints, se disputent l’élégance de leur style. Celui de nos parents a reçu lui aussi sa couche de peinture. Nous leur devions bien cela, à nos parents, après tout ce qu’ils ont fait pour nous. Arraché de son socle par des mains profanes, le crucifix, si cher à notre tante Ursule a, quant à lui, rejoint les objets perdus et jamais retrouvés. Un détail, me direz- vous.

            Nous voici arrivés – vous êtes toujours là? – tout en haut du cimetière que domine une grande croix. Au pied de l’autel, les visiteurs ont, au fil des jours, entremêlé des fleurs de toutes les couleurs. Eteignez avant qu’elles ne mettent le feu les quelques bougies qui achèvent de se consumer, à même le sol, au milieu des fleurs séchées que personne n’a eu l’idée de mettre dans la grande poubelle placée juste à côté.

            Pourquoi vous ai-je baladé dans ce cimetière alors que vous n’avez probablement, rien à y faire? Tandis que je me déplaçais d’allée en allée, je me suis posé la sempiternelle question: Que sont nos morts devenus? La réponse, je l’aurai, peut-être, lorsqu’à mon tour, j’aurai rejoint le monde supraterrestre. Beaucoup parlent d’un monde meilleur dans lequel se retrouveraient, libérés de leurs chaînes, tous ceux qui n’existent plus, ici-bas, que par le souvenir. Quant à la résurrection de la chair, que certains nous promettent, j’ai du mal à y croire. Comment imaginer le retour sur la planète terre de milliards de gens réclamant, qui un emploi, qui un logement. Les gouvernants, de tous pays, qui ont déjà du mal à faire face à ces problèmes, n’auraient plus qu’à abdiquer.

Pour autant, je me refuse à admettre que la vie d’un homme – je veux parler de la vie spirituelle – puisse s’arrêter sur une autoroute, dans le crash d’un avion ou plus simplement sur un lit d’hôpital. Je préfère croire à la première hypothèse, à un monde éthéré peut-être, mais libéré de toute forme d’esclavage, de tout égoïsme. Le poète, désabusé, avait peut-être à l’esprit cette vision de l’au-delà, lorsqu’il interpellait la mort en ces vers:

Ô mort, vieux capitaine, il est temps, levons l’ancre.

Ce pays nous ennuie, ô mort appareillons!

                        (Baudelaire, Les Fleurs du Mal)

Et pourtant la mort nous fait peur. Peu nombreux, sont ceux qui disent le contraire. J’appréhende, moi aussi, l’instant où je comparaîtrai devant la juridiction suprême. Ce jour là, en pleine lumière, j’aurai beau regarder autour de moi, il n’y aura pas d’avocat pour plaider ma cause. Il faut être un peu fou pour réfléchir à toutes ces choses. N’est-ce pas?



31/10/2007
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