La Fournaise

La Fournaise

C'ETAIT UN VENDREDI

C’ETAIT   UN   VENDREDI

Ce vendredi 18 septembre 2009 n’est pas tout à fait, pour moi, un jour ordinaire. C’était il y a cinquante ans exactement – le vendredi 18 septembre 1959 – le départ pour une aventure qui ne m’a pas laissé que de bons souvenirs. J’avais vingt deux ans à l’époque et je venais d’accomplir mon service militaire à la caserne Lambert. Avec quatre de mes camarades, je m’apprêtais à rejoindre l’école des douanes, située à Montbéliard, dans les dépendances du château. Il y avait Saül, l’aîné de nous quatre, Axel le cadet, cependant que Guy, Jean et moi avions, sensiblement, le même âge.

A cette époque, aller en France – on ne disait pas la France Métropolitaine, encore moins la France Continentale – c’était, pour de jeunes Réunionnais, se lancer dans une grande aventure. Pour ma part, je ne m’y étais jamais préparé. Mes camarades s’étaient engagés, auprès de mes parents, à veiller sur moi, comme sur un petit frère ; Guy, que nous appelions affectueusement Guito, avait même été jusqu’à prétendre que j’étais la mascotte du groupe, en raison, vous l’avez sûrement deviné, de ma petite taille.

Aucun de nous n’avait jamais mis les pieds sur le sol métropolitain et chacun, à sa manière, tentait de se rassurer en questionnant ceux qui avaient eu, avant nous, le privilège de voyager. Le jour du départ approchait et j’avais déjà fait le tour de la famille pour faire mes adieux. Dans la valise, achetée quelques jours plus tôt chez un commerçant de la rue Maréchal Leclerc, il y avait très peu de vêtements chauds. On nous avait assuré qu’en ce mois de septembre, les températures étaient encore très supportables jusque dans l’est de l’Hexagone.

Pour ne pas manquer le départ, ma mère m’avait accompagné à Saint-Denis depuis la veille. Nous étions descendus dans une de ces pensions de famille qui faisaient le bonheur de tous ceux, venus des quatre coins de l’île, qui travaillaient dans le chef-lieu. Enseignante de son état, ma Mère avait obtenu une autorisation d’absence de quelques heures pour accompagner son fils à l’aéroport. L’Education Nationale était chiche des autorisations d’absence et ne les accordait qu’au compte-gouttes.

Ce vendredi 18 septembre, le « super-constellation » aux couleurs de la Compagnie Air-France, devait décoller à huit heures et vingt minutes. Les vols de la compagnie nationale ne souffraient pas de retards comme aujourd’hui. Les passagers avaient intérêt à se présenter au comptoir d’enregistrement à l’heure prévue. Tôt le matin, ma mère et moi étions montés dans le taxi qui devait nous conduire à l’aéroport de Gillot. Perdus dans nos pensées, nous n’avions pas échangé un seul mot, pendant tout le trajet. Le chauffeur de taxi, silencieux lui aussi, m’avait donné le sentiment de partager notre tristesse.

Dans le hall de l’aérogare, mes camarades, arrivés un peu plus tôt, commençaient à se faire du souci pour leur « mascotte ». Dans les années cinquante, l’aérogare n’était qu’un modeste bâtiment qui avait du mal à accueillir tous ceux qui accompagnaient un parent, ou un ami. Après m’avoir serré dans ses bras, une dernière fois, ma mère était partie sans se retourner, avant de monter dans le taxi stationné à proximité. A partir de cet instant, l’enfant gâté avait eu beaucoup de mal à cacher son chagrin, tandis que ses camarades se relayaient pour le réconforter.

Passés ces moments d’intense émotion, l’inquiétude commençait à me gagner. Je n’avais jamais vu un avion de ligne, d’aussi prêt. Sous les premiers rayons de soleil, l’appareil, stationné sur le tarmac, brillait de mille feux tandis que je m’interrogeais sur ses capacités à nous faire traverser l’océan. Au pied de la passerelle, une hôtesse accueillait les premiers voyageurs ; son sourire m’avait rassuré et encouragé à monter dans l’appareil. Il devait être huit heures et vingt minutes lorsque l’avion, baptisé « Ciel de Provence », avait commencé à rouler sur la piste…

Ce vendredi 18 septembre 2009, mes pensées vont à deux de nos camarades qui ne sont déjà plus de ce monde. Je veux parler de Guy, qui nous a quittés en 1968, et d’Axel disparu dans le courant de cette année. On a bien raison de dire que le temps passe vite, parfois même un peu trop vite…

Si vous êtes intéressés, je vous inviterai, peut-être un jour, à poursuivre cette aventure en notre compagnie. Que d’événements se sont produits depuis qui suffiraient à remplir les pages d’un livre…d’un livre de poche.



18/09/2009
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