La Fournaise

La Fournaise

ADRIEN Premier Episode

ADRIEN

Ou le parcours chaotique d'un jeune Réunionnais

Cette histoire relève de la pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes, ou ayant existé, ne serait que fortuite.

Premier épisode

Adrien venait d'avoir vingt huit ans, lorsqu'il effectua son premier remplacement dans un cabinet médical du sud de la France. Le cabinet se trouvait dans une maison cossue, située au cœur d'une agréable petite ville de Provence. Son propriétaire, un médecin généraliste qui exerçait depuis plus de vingt ans, s'était fait une clientèle de gens aisés venus, pour certains, des localités voisines.

            L'arrivée, du jeune médecin n'était pas passée inaperçue et les commentaires, dans le quartier, allaient bon train. C'était bien la première fois que les patients du docteur Barde avaient affaire à un homme aussi jeune. Originaire de La Réunion, que certains situaient quelque part dans les Caraïbes, Adrien, un jeune homme au teint mat,  avait les yeux clairs de sa mère, une créole blanche de La Rivière-Saint-Louis. Emile, son père, un cafre né à Saint-Louis, s'était installé au Port, avec sa famille, trois ou quatre ans après son mariage. Peu de temps après, la famille s'était agrandie avec la naissance d'un troisième enfant, prénommé Clément comme son grand-père maternel. Pendant longtemps, Emile avait exercé le dur métier de docker, avant de se faire embaucher, comme chauffeur-livreur dans une société de transport.

            A quinze ans Adrien avait obtenu son brevet élémentaire, après quatre années passées au cours complémentaire du Port. Avec ce diplôme, il aurait pu envisager une carrière dans l'Education Nationale. Dans le primaire, en effet, beaucoup d'enseignants n'étaient titulaires que du brevet élémentaire. Conscients des dispositions du jeune garçon, les professeurs avaient insisté, auprès de ses parents, pour qu'il puisse poursuivre ses études au lycée Leconte de Lisle. C'était, à cette époque, le seul établissement public susceptible d'accueillir les futurs bacheliers.

Le lycée était situé à Saint-Denis, de l'autre côté de la montagne. Les jeunes, venus des régions ouest et sud de l'île, n'avaient pas le choix et devaient s'inscrire comme pensionnaires. Compte tenu de leurs revenus modestes, la demande de bourse, déposée par les parents du garçon, n'avait été qu'une simple formalité. De son côté, la municipalité avait donné un coup de pouce pour aider à la confection du trousseau.

Admis en classe de seconde, Adrien avait obtenu son baccalauréat, avec mention, trois ans plus tard. Pendant ces trois années passées en internat, le jeune homme avait eu le temps de réfléchir à son avenir. Il voulait que ses parents puissent être fiers de lui. Ces derniers s'étaient résignés, depuis longtemps, à voir partir leur fils.  Aussi, lorsqu' il leur fit part de sa décision, on ne peut pas dire qu'ils aient été surpris.

            A quelques semaines de la rentrée universitaire, le jeune homme avait pris le bateau pour entreprendre des études de médecine à Marseille. Comme à chaque traversée, le «Pierre Loti» avait largué les amarres, en fin d'après-midi.  La mère avait eu du mal à retenir ses larmes; plantée sur le quai, au milieu des badauds, elle continuait d'agiter son mouchoir alors que le navire, déjà engagé dans le chenal, s'apprêtait à quitter le port. Le père, pour cacher son émotion, faisait mine de chercher, au fond de ses poches, le briquet qu'il tenait à la main.

A bord, Adrien avait déjà fait la connaissance de Martine, une  jeune fille qui allait rejoindre son fiancé, fonctionnaire de police à Marseille. Appuyés au bastingage, les deux jeunes gens, à peu près du même âge, avaient engagé la conversation tandis que le bateau gagnait le large. L'un et l'autre avaient le cœur gros mais s'efforçaient de ne rien laisser paraître. Martine éprouvait surtout besoin de s'épancher ; en la personne d'Adrien, elle avait trouvé une oreille attentive.

Originaire de Petite Ile, Martine avait rencontré son fiancé à l'époque où ce dernier, militaire dans une compagnie de parachutistes basée à Saint- Pierre, rêvait de ramener dans ses bagages une fille des îles. Au début de leur rencontre, les parents de la jeune fille s'étaient montrés réticents. Pour eux, ce grand gaillard au crâne rasé voulait juste passer un bon moment avec leur fille. Martine, pour sa part, n'était pas indifférente au charme de Thierry – c'est le prénom que portait le jeune homme – qui se montrait, chaque semaine, un peu plus entreprenant. Le samedi, les deux jeunes gens se retrouvaient dans l'une ou l'autre des deux salles de bal qui rassemblaient, à la Ravine des Cabris, tout ce que la région comptait de jeunes, en âge d'aller danser.

C'est au « Tout va bien » que Martine et Thierry s'étaient rencontrés pour la première fois. Les militaires, notamment les parachutistes, n'avaient pas bonne réputation et la rencontre avait failli tourner court.  L'obstination de Thierry, du genre fort en gueule, mais au cœur tendre, avait eu raison de l'hostilité des parents de Martine. Les braves gens avaient fini par l'accepter à leur table. La famille qui se réunissait, le dimanche  à midi, autour du traditionnel « cari volaille » avait rajouté un couvert sur la table à manger devenue trop petite. Laetitia, la petite sœur de Martine, âgée de cinq ans à peine, mangeait, depuis, sur la table de la cuisine.      

Thierry avait fini par demander la main de Martine et les fiançailles avaient eu lieu, peu avant que le jeune homme ait été contraint de rejoindre son régiment à Carcassonne.  A cette occasion, une grande fête avait été organisée dans une salle prêtée par la municipalité. Invité d'honneur, le maire de la petite commune s'était fendu de quelques bouteilles de bon vin, que les mauvaises langues  prétendaient avoir été achetées avec les fonds publics. Ce n'était, bien entendu que ragots, dans la mesure où le premier magistrat, à la tête, depuis plus de dix ans, d'une entreprise florissante, avait les moyens de se payer quelques bonnes bouteilles de vin.  

Quelques semaines plus tard, Thierry avait rejoint son unité, par avion. Depuis qu'il avait rencontré Martine, la vie militaire commençait à lui peser. Et puis, il y avait cette hantise de se retrouver quelque part en Afrique, loin de celle qui allait devenir son épouse. Il se trouvait justement que son contrat arrivait à expiration. Le caporal-chef n'avait pas souhaité le renouveler. Après cinq années passées dans l'armée, il avait obtenu, sans difficulté, un emploi réservé dans la police. Thierry n'avait pas attendu plus longtemps pour faire venir sa fiancée; cette initiative n'était pas du goût de tout le monde mais chacun s'était efforcé de cacher son sentiment. En se tournant vers Adrien, Martine, avec un soupir de soulagement, avait conclu: « Et voilà » !

A son tour, le jeune homme s'était laissé aller aux confidences. Il n'avait fréquenté qu'une seule fille, Véronique, qui travaillait comme apprentie dans un salon de coiffure de Saint-Denis. Adrien s'était attaché à elle malgré sa réputation de fille volage. Véronique l'avait bien accompagné jusqu'au bateau mais, tandis qu'il la serrait une dernière fois dans ses bras, elle n'avait eu d'yeux que pour le jeune officier-mécanicien qui se pavanait sur le quai, en tenue d'apparat. Le comportement de la jeune fille n'avait pas échappé aux parents de Sébastien qui ne la portaient pas dans leur cœur. Humilié, une fois encore, Adrien avait baissé la tête sans dire un mot.

Après une escale de deux jours dans le port de Tamatave, le bateau s'éloignait maintenant des côtes malgaches. Ces deux journées, passées à terre, avaient rapproché un peu plus les deux jeunes gens. Le Pays allait bientôt accéder à l'indépendance. La ville était plongée dans une étrange atmosphère. De nombreux Réunionnais vivaient encore à Madagascar et sur leur visage se lisait un mélange de tristesse et d'inquiétude. La population malgache, et notamment les plus jeunes, affichait quant à elle une gaieté tout à fait naturelle.

Après une balade en pousse-pousse, dans les rues de la ville, Martine et Adrien étaient remontés à bord du bateau pour le dîner. Leur escapade n'avait duré que quelques heures, pendant lesquelles ils s'étaient amusés comme des enfants. Au fond de son cœur, Adrien aurait voulu que ce voyage ne s'achève jamais. Martine pensait la même chose mais aucun des deux n'osait exprimer sa pensée.

La nuit était tombée depuis longtemps déjà; sur le pont du bateau, les deux jeunes gens n'étaient pas pressés de regagner leurs cabines respectives. Le voyage en troisième classe n'était pas, à proprement parler, une croisière. A cette heure de la nuit, il régnait encore dans les cabines une chaleur étouffante. Le paquebot naviguait sur une mer d'huile et c'est à peine si on entendait le clapotis de l'eau contre la coque du navire. 

La traversée allait durer moins d'un mois, en empruntant le canal de Suez. Au débouché du canal, la ville de Port-Saïd avait précipité sur le pont de nombreux passagers. Adrien et Martine étaient comme fascinés par le spectacle. Sur le canal, les bateaux-pilotes croisaient les vedettes en un ballet incessant, tandis que les marchands de souvenirs se disputaient la clientèle du paquebot.  

Le bateau avait accosté à Marseille, alors que le jour venait à peine de se lever. Adrien et Martine, s'étaient dit adieu, dans une dernière étreinte. L'un et l'autre ne se faisaient aucune illusion, quant aux chances de se revoir. A peine, sa fiancée, était-elle descendue du bateau que Thierry l'avait emmenée comme s'il avait eu peur qu'on la lui prenne. Sur le quai, personne n'était là pour accueillir Adrien. Devant le désarroi affiché parle jeune homme,  un membre de l'équipage, marié à une Réunionnaise, lui avait proposé de le déposer à l'université.

Le jeune Réunionnais avait fait la connaissance d'un Antillais venu étudier, comme lui, la médecine. Les deux jeunes gens, que rapprochait le mal du pays, s'étaient vite liés d'amitié. Ils avaient en commun une véritable passion pour la musique de jazz. Elvin Jones, Louis Armstrong, ou Duke Ellington, n'avaient plus de secret pour ces deux là qui écoutaient leur musique préférée sur un petit électrophone acheté, pour quatre sous, dans un bazar de la porte d'Aix.

Pour subvenir à ses besoins, Adrien travaillait parfois jusqu'à une heure avancée de la nuit, dans un restaurant du centre ville. La « plonge », Adrien savait ce que c'était. Lorsqu'il était adolescent, c'est lui qui faisait la vaisselle pendant que sa mère couchait Clément, le petit dernier. L'été, après une dure journée de travail, son père, avec pour tout vêtement un short en tissu léger et un débardeur, prenait le frais avec ses voisins, sur le trottoir d'en face. Il faut dire qu'il faisait très chaud dans ces cases en bois sous tôle, construites dans le quartier de Titan.     

Adrien se remémorait ainsi son passé, tout en empilant les assiettes sur la table de cuisine. Epuisé par de longues journées passées à étudier, il restait indifférent aux provocations de la jeune serveuse qui se frottait contre lui à chacun de ses passages. En d'autres circonstances, le jeune homme aurait eu du mal à résister à ces provocations. Le chef des cuisines, la cinquantaine passée, ne se gênait pas, quant à lui, pour laisser traîner ses grosses pattes sur les fesses de la jeune serveuse.

Les études de médecine sont parmi les plus longues. En choisissant  cette discipline, Adrien savait à quoi il s'était engagé. Après avoir passé avec succès le concours, tant redouté, permettant l'accès en deuxième année il s'était senti soulagé. Le soir, lorsqu'il ne travaillait pas au restaurant, ses sorties le conduisaient, la plupart du temps, au stade Vélodrome ou dans uns un cinéma de quartier. Les matchs de foot, c'était son truc, à Adrien. Il avait passé une bonne partie de son enfance à courir après des balles en caoutchouc, sur les terrains vagues qui bordaient la cité portuaire. Une année, il avait même joué en équipe minime, dans le club phare de la ville. Porter le maillot mauve de La Jeanne d'Arc – la Jeanne, comme l'appelaient ses supporters – était un privilège que se disputaient de nombreux jeunes.

Une fois par mois, Adrien se rendait à Aix chez une de ses tantes, installée dans cette ville depuis une quinzaine d'années. Tante Olga, la sœur cadette de sa mère, avait suivi en Métropole son mari, militaire de carrière, aujourd'hui à la retraite. Olga n'était jamais retournée à La Réunion et se languissait de sa famille. Il ya cinquante ans, peu nombreux étaient les Réunionnais qui désertaient leur île; les visites de son neveu étaient l'occasion, pour Olga, de renouer, autour d'un bon cari, avec le parler créole. Ces conversations en créole avaient le don d'agacer Jean Charles, le mari de tante Olga, qui n'en finissait pas de répéter que c'était du «p'tit nègre». Adrien  souffrait de ces réflexions mais se gardait bien de contrarier Jean Charles. Ce dernier, qui abusait de la bière, pouvait se montrer agressif, lorsqu'il avait trop bu.

La première année, Adrien avait correspondu avec Véronique, sa petite amie  coiffeuse, restée à La Réunion.  Au fil du temps, les liens qui unissaient encore les jeunes gens avaient fini par se rompre. La jeune fille – Adrien l'avait appris par ses parents – avait  rencontré un jeune VAT (Volontaire à l'aide technique), venu à La Réunion pour accomplir son service militaire dans l'Education Nationale. De son côté, le chemin d'Adrien avait croisé celui de Vanessa, une jeune infirmière originaire des quartiers Nord de Marseille. A partir de là, Vanessa, qui travaillait dans une clinique privée, accompagnait parfois Adrien au cinéma. L'été, après la séance, ils allaient manger une glace sur le Vieux Port. C'est tout ce que le jeune homme pouvait offrir à son amie. Lui-même devait se contenter du resto U et des blagues de carabins. Sébastien aurait bien aimé goûter à la fameuse bouillabaisse mais les prix affichés, à l'entrée des restaurants, l'en avaient dissuadé.

Vanessa souhaitait présenter Adrien à ses parents mais ce dernier ne voulait pas s'engager avant d'avoir obtenu son diplôme. Pour le jeune homme, ce n'était qu'un prétexte. En réalité, comme beaucoup de jeunes de son âge, Adrien ne rêvait que d'aventures et celle là, il en avait le sentiment, n'était pas faite pour durer. Vanessa était une belle jeune fille, aux longs cheveux auburn, juste un peu trop désinvolte. Dans le service de chirurgie  où elle travaillait, les médecins lui couraient tous après. C'est le premier d'entre eux, le médecin chef de service, qui avait obtenu ses faveurs. Marié et père de deux enfants en bas âge, ce dernier ne tenait pas, lui non plus, à ce que leur liaison s'éternise. Ulcérée, Vanessa avait quitté la clinique, un beau matin, sans fournir d'explications.  

Après avoir achevé les deux premiers cycles des études médicales, Adrien avait passé avec succès le concours de l'internat après quoi, il avait entrepris une série de stages qui l'avait conduit à l'hôpital Nord, dans un service de médecine. L'établissement hospitalier, inauguré un an plus tôt, en 1964, accueillait parmi ses malades, de nombreux Maghrébins. Le jeune interne s'était lié d'amitié avec une famille algérienne proche du FLN. Ses convictions politiques n'étaient pas étrangères à ses fréquentations qui inspiraient à ses camarades, beaucoup de suspicion.

Adrien n'avait pas attendu  la fin de ce troisième cycle d'études pour préparer sa thèse sur les parasitoses. Son choix n'était pas du au hasard. Il avait, lui-même, été infecté lorsqu'il était jeune et de nombreux enfants souffraient encore de cette maladie dans son île natale. Un de ses professeurs qui avait, longtemps, séjourné en Afrique, l'avait encouragé dans ce choix.

Ce samedi soir, Adrien se promenait seul sur La Cannebière. Tout en marchant, il songeait à cette fichue thèse qu'il allait soutenir au cours des prochains jours. Plongé dans ses pensées, il venait de bousculer un vieux monsieur, planté devant la vitrine d'une agence de voyages. A peine avait-il balbutié quelques mots d'excuses qu'il s'était exclamé: Monsieur Evrard! Ce dernier, après avoir rajusté ses lunettes, tombées sur le bout du nez, venait de  reconnaître, à son tour, le brillant élève qu'il avait eu quelques années plus tôt, en classe de terminale.

Trop heureux de rencontrer un de ses anciens élèves, monsieur Evrard avait insisté pour que le jeune homme vienne déjeuner le lendemain. Après de nombreuses années passées à La Réunion, monsieur Evrard, originaire de la région Lyonnaise, se sentait un peu Réunionnais. D'un naturel réservé, Adrien avait hésité, un court instant, avant d'accepter cette invitation qui lui tombait du Ciel.

Monsieur Evrard habitait rue Jean Mermoz, dans un quartier résidentiel de la cité Phocéenne. Son épouse, également à la retraite, donnait des leçons de piano à des jeunes filles du quartier. Le lendemain, vers les onze heures, après un crochet chez le fleuriste Adrien avait sonné à la porte de l'appartement. Rouge de confusion, il avait tendu son bouquet à la maîtresse de maison venue lui ouvrir, accompagné d'un petit compliment, qu'il avait appris par cœur. Dans son bureau, monsieur Evrard l'attendait, plongé dans la lecture du Provençal.

A l'heure de l'apéritif, servi au salon, Adrien s'était laissé tenter par un cocktail sans alcool, spécialité de madame Evrard. Son mari, qui souffrait du diabète, ne buvait pratiquement jamais de boissons alcoolisées. Véritable cordon bleu, madame Evrard s'était mise en quatre pour préparer le repas. Adrien, qui n'avait que très peu goûté aux spécialités provençales, avait beaucoup apprécié le jarret de veau confit aux olives et les encornets farcis.

Après le café,  Adrien avait, machinalement, accepté le cigare que lui offrait son hôte. Quelques jours plus tôt, monsieur Evrard avait reçu, pour son anniversaire, un coffret de « Havanes » qu'il avait mis de côté, pour les grandes occasions. Adrien n'avait jamais fumé de cigare et, pour tout dire, n'avait jamais fumé du tout. Dès les premières bouffées, il avait failli s'étouffer et s'était précipité à la fenêtre pour reprendre son souffle.

Pour faire diversion, monsieur Evrard avait sorti son album-photos qu'il avait toujours, à portée de main, dans sa bibliothèque. Sur l'une d'elles, Adrien venait de se reconnaître, recevant des mains du proviseur, le premier prix de mathématiques. Comme les années précédentes, la distribution des prix avait eu lieu dans la grande salle du  cinéma « Casino » situé, rue Juliette Dodu, dans le centre de Saint-Denis. Cette année là, Adrien avait collectionné les prix, sous les applaudissements des professeurs et des personnalités invitées à la cérémonie.

Après avoir pris congé de ses hôtes,  Adrien avait flâné du côté du  Vieux Port où quelques retraités achevaient leur partie de boules. Sa bouteille de coca-cola à la main, il les avait, un long moment, observés. Adrien ne connaissait rien aux boules mais son père faisait partie d'une triplette qui s'entraînait régulièrement au club de la douane. Une année, il avait même remporté une coupe qui trônait, parmi beaucoup d'autres, dans la vitrine du club. 

Adrien avait soutenu sa thèse avec brio devant un jury, surpris par une telle aisance. En l'absence de ses proches, Adrien avait souhaité que monsieur et madame Evrard soient à ses côtés,  au moment de prononcer le serment d'Hippocrate, qui allait faire de lui un médecin à part entière. Touché, par cette délicate attention, le vieux couple ne s'était pas fait prier. Après la cérémonie, ils s'étaient retrouvés, tous les trois, atour d'une bouteille de champagne que monsieur Evrard avait mise au frais dans son appartement. Pour ne pas le décevoir, Adrien avait fait exception à la règle qu'il s'était fixé. Après avoir bu deux coupes de champagne, le jeune homme avait été pris de violents maux de tête qui l'avaient obligé à prendre congé de ses hôtes, beaucoup plus tôt que prévu.

Adrien ne voulait pas s'éloigner de cette région dans laquelle il venait de passer près de dix années de sa vie; c'est la raison pour laquelle, il avait accepté le remplacement qu'on lui proposait, dans ce cabinet médical de Provence. Ce matin là, après avoir traversé en rougissant, la salle d'attente, Adrien accueillait sa première patiente. Assise juste en face de lui, la vieille dame avait pris son caniche sur ses genoux. A l'écouter, Adrien aurait pu se  demander laquelle de la petite chienne ou de sa maîtresse était venu consulter. Un autre que lui aurait pu s'en offusquer, ne serait-ce que pour des raisons d'hygiène. Adrien se dit que le docteur Barde avait l'habitude de tolérer ce caprice de vieille bourgeoise  et l'écouta avec un sourire amusé.

Adrien avait toujours du mal à réaliser qu'il était aujourd'hui médecin; si bien que, dans la rue, lorsque les gens e saluaient d'un : Bonjour docteur ! Il se retournait pour voir si personne ne le suivait. Le remplacement avait duré près d'une année, pendant laquelle le docteur Barde avait du se rendre aux Etats-Unis pour se faire soigner. A l'issue de ce remplacement, vraiment exceptionnel de par sa durée, Adrien avait suffisamment économisé pour offrir un voyage à ses parents. Son Père, à la retraite depuis deux ans déjà, n'avait jamais pris l'avion, même pas pour se rendre à l'île Maurice, toute proche. Quant à sa mère, qui était la discrétion même, elle ne sortait de la maison que pour faire les courses ou se rendre à l'église, pour assister à la messe du dimanche.



16/04/2008
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