La Fournaise

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LE SERMON DU PERE ARISTIDE

 

LE   SERMON   DU   PERE   ARISTIDE

 

 

Ce dimanche, le père Aristide, curé de la petite église « Saint François d’Assise», située quelque part dans le sud de l’île, se préparait à prononcer son homélie. Le prêtre, d’un âge avancé, tenait entre ses mains les quelques feuillets sur lesquels il avait noté les grandes lignes de son sermon. Tandis qu’il ajustait ses lunettes, un chien fit son entrée dans l’église. C’était un de ces roquets comme on en voit tous les jours, dans les rues du village.

Cette intrusion avait beaucoup amusé les enfants tandis que les grandes personnes, choquées par ce qu’ils considéraient comme un sacrilège, lançaient au pauvre animal, un coup d’œil haineux. Sur son passage, un courageux paroissien l’avait même gratifié d’un coup de pied. Surpris, le chien s’était retourné avant de prendre la fuite en poussant un cri de douleur.

Après quelques minutes de silence, qui avaient semblé une éternité aux nombreux fidèles rassemblés dans l’église, le père Aristide avait rangé ses feuillets. D’une voix tremblante d’indignation, il avait improvisé ce que les paroissiens, les plus sensibles, ont longtemps considéré comme le sermon le plus émouvant qu’il n’ait jamais prononcé.

Frères et sœurs, un chien, un malheureux chien est entré tout à l’heure dans la maison de Dieu qui est aussi la sienne car ce chien, comme nous tous dans cette église, est aussi une créature de Dieu. Tandis que les enfants riaient sous cape, j’ai lu dans les yeux de beaucoup d’entre vous la réprobation et même la méchanceté. Je ne sais pas lequel d’entre vous a frappé cet animal qui ne demandait rien à personne. Peut-être cherchait-il son maître présent dans notre assistance ? Peut-être s’était-il, tout simplement, réfugié dans notre église pour échapper à ceux qui prennent plaisir à persécuter les animaux ?

A Noël, vous allez tous vous prosterner devant la crèche. Aux côtés de l’Enfant Jésus et de ses parents vous avez le bœuf et l’âne; vous avez aussi les bergers avec leurs moutons et probablement leurs chiens, même si on ne les voit pas sur les images. Ce tableau ne vous a jamais choqués; pourquoi, en est-il autrement, aujourd’hui?

Frères et sœurs, que Dieu me pardonne mais je pense que ce chien ne mérite pas moins que nous, de pénétrer dans cette église. Il est arrivé que, pour se défendre, les animaux nous ont fait du mal. Dieu ne leur en tiendra pas rigueur car les animaux ne savent pas ce qu’ils font. Quant à ceux qui les maltraitent je ne suis pas certain qu’ils bénéficieront de la même indulgence.

Le prêtre, qui avait lui-même recueilli plusieurs chiens, s’était toujours montré généreux envers les plus humbles. Ses paroissiens le savaient et nul n’aurait osé contester son jugement. Le vieil homme se tourna vers l’hôtel, avec un soupir tandis que les fidèles se levaient pout le Credo. Contrairement à leur habitude, ces derniers ne s’étaient pas attardés, après l’office, sur la petite place de l’église, un peu comme s’ils se sentaient tous coupables.

Je devais avoir dix ans à l’époque. Assis, à côté de mes parents, j’avais écouté, attentivement, les propos du père Aristide. Ses propos m’avaient profondément marqué. Je me dis aujourd’hui, que l’amour démesuré, que je porte aux animaux est peut-être né, un dimanche, dans le cœur d’un petit garçon de dix ans, sagement assis sur le banc d’une église.



03/08/2009
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