La Fournaise

La Fournaise

LE GRAND BENARE

 

LE   GRAND   BENARE

 

Les Genêts du Maïdo

Huit jours après être allés à La Nouvelle, nous avons décidé de tenter l’ascension du Grand Bénare. Notre ami Nicol, qui n’a jamais eu l’occasion de faire cette excursion, souhaite ajouter le troisième sommet de l’île à la longue liste de ses randonnées. L’excursion du Grand Bénare je l’ai faite, il y a un peu plus de quarante ans. En compagnie de quelques gais lurons, nous avons passé la nuit à la Glacière et dormi dans la grotte, après un repas bien arrosé. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sur les pentes du Grand Bénare.

Lorsque nous sommes partis du Maïdo ce jeudi 5 juillet, le sol était couvert de givre et j’ai vite réalisé qu’il fallait être, soi-même, un peu givré pour entreprendre cette excursion. A travers les genêts, le sentier qui conduit au sommet se transforme rapidement en un lit de ravine avec de grosses pierres qui roulent sous les pieds du randonneur. Nous risquons à tout moment de nous tordre la cheville, d’autant plus que certains d’entre nous n’ont pas de bonnes chaussures de marche.

La brume commence à se lever sur les sommets et nous craignons de ne pas arriver à temps, pour profiter du spectacle. Déjà, quelques touristes désabusés ont commencé à faire demi-tour. Nous marchons depuis près de trois heures et nous avons l’impression que le sommet s’éloigne au fur et à mesure que nous progressons. Un mauvais génie s’amuserait-il à nous jouer un vilain tour ? Notre ami Nicol n’est pas loin de le penser.

Nous marchons maintenant dans un paysage désolé, avec de part et d’autre du sentier, une végétation rabougrie. Une pierre roule sous ma chaussure et je commence à souffrir du pied droit. Je craignais pour ma cheville mais, en réalité, c’est au coup-de-pied que j’ai le plus mal. Ce n’est pas le moment de flancher ; je continue de marcher rageusement dans la rocaille. Mon frère Jean, qui me précède, ne s’est aperçu de rien et s’inquiète pour Claudine qui est à la traîne, depuis un moment. Elle n’est pas seule, lui dis-je, puisque Marie-Lys et Nicol l’ont attendue. Voilà Jean rassuré.

Marie Thérèse, qui mène la course depuis le début de l’excursion, a déjà franchi « la ligne d’arrivée », lorsque nous atteignons le sommet. La superbe vue, qui attire de nombreux randonneurs, se refuse à nous, avec la complicité d’une brume épaisse qui se répand en nappes sur tout le site. Notre déception est à la hauteur des efforts que nous avons fournis. Nous sortons quand même nos appareils photos pour immortaliser notre exploit. La croix de couleur blanche qui se détache, à peine, sur fond de brouillard témoignera de notre arrivée au sommet.

Un repos bien mérité

Il est l’heure de casser la croûte. Nous nous installons au centre d’un abri – une sorte d’arène miniature – aménagé à l’aide de grosses pierres. Ainsi protégés de l’air frais, nous commençons à déballer nos provisions. Je ne vous parlerai plus de la petite bouteille de Médoc, qui nous suit depuis notre randonnée à l’Ilet Alcide. Je préfère vous parler de ce petit oiseau, un Tec Tec, qui s’est posé au milieu de nous et qui nous observe avec un air de défi, mêlé de curiosité. J’ai eu le réflexe de le prendre en photo, tandis qu’il picorait les miettes de pain que Nicole s’amusait à lui jeter. Serait-ce un oiseau de bon augure qui nous apporterait le beau temps ?

Un curieux petit Tec Tec

Au bout d’un moment, nous devons nous rendre à l’évidence. Le temps maussade n’est pas prêt de changer. Nous levons le camp en espérant mettre beaucoup moins de temps pour rejoindre le Maïdo. En chemin, nous faisons un détour par La Glacière. Le sentier n’a rien à envier à celui que nous avons emprunté pour gravir la pente du grand Bénare. J’en arrive à me demander, s’il n’y a pas davantage de galets. Après une heure de marche, j’ai de plus en plus mal à mon pied droit, si bien que, par moments, J’hésite même à le poser par terre. Ces quelques instants d’hésitation me font chuter pour la deuxième fois, en l’espace de huit jours. Les conséquences sont insignifiantes. Je n’ai qu’un petit accroc à mon K-way et le rouge de la confusion sur mes joues.

Cette fois encore, Nicol est là pour m’aider, bien obligeamment, à me relever. Je n’ai pas d’autre choix que de poursuivre mon chemin. Il nous reste près de sept kilomètres à parcourir. Sur le site de la glacière, j’ai quand même pris le temps de faire quelques photos, en souvenir du bon vieux temps. La grotte sous laquelle j’ai passé la nuit, il y a plus de quarante ans, a perdu de son charme et je n’ai guère envie de m’y attarder.

Grotte sur la route de la glacière

A quelques pas de là, une pancarte indique : Le Maïdo à moins de six kilomètres. Tandis que nos compagnons pressent le pas, Nicol et moi commençons à perdre du terrain. Ce foutu sentier ne m’inspire vraiment pas confiance et j’appréhende une nouvelle chute qui risquerait de m’arrêter définitivement. Après m’être gentiment moqué de Claudine, c’est à mon tour d’être à la traîne. Je commence à douter de mes capacités à entreprendre une trop longue marche. Pour celui qui rêve de Compostelle, cette pensée n’est pas très encourageante.

Le sentier, sur lequel nous marchons maintenant, n’est plus balisé et nous avons, Nicol et moi, l’impression de nous éloigner de la falaise. Le groupe de tête a continué son accélération sans s’inquiéter de notre sort ; je commence à désespérer, lorsque leurs appels nous parviennent enfin. Entre temps, nous avons retrouvé notre chemin et le groupe s’est finalement reconstitué. Les deux derniers kilomètres ne nous réservent plus de surprises. La caillasse, j’ai du me résigner, quitte à jurer sur le reste du parcours.

Au Maïdo, nous ne sommes pas fâchés de monter dans les voitures, abandonnées sur le parking depuis le début de la matinée. Le soleil s’est déjà couché lorsque nous abordons les premiers virages de la route forestière qui mène à la Petite France. Nous distinguons à peine, le bas-côté, tant le brouillard est épais. A cette heure, la circulation est quasiment nulle et nous pouvons prendre quelques libertés avec le code de la route en empiétant sur la partie gauche de la chaussée, pour ne pas nous retrouver dans le fossé. Après avoir roulé de longues minutes, dans la forêt de tamarins, nous poussons un ouf de soulagement en voyant apparaître les premières habitations.

Cette excursion n’a pas été une promenade de santé ; c’est le moins que l’on puisse dire. Unanimement, ou presque, nous avons décidé de ne pas renouveler de sitôt l’expérience.



18/08/2010
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